Diabète de type 1, rapport à l'alimentation et TCA
« Comment ne pas, d'une manière ou d'une autre, être impacté dans notre rapport à l'alimentation lorsque l'on vit avec une maladie où "NOURRITURE = CHIFFRES" ?
Lorsque l'on nous demande souvent si on a le droit de manger ceci, ou si l'on est diabétique parce qu'on a mangé trop de cela. Que l’on doit parfois manger sans avoir faim, ou se priver de nourriture pour rester dans la cible.
Dans une société aux critères de beauté bien définis, où l'on part avec une pénalité physiologique, physique et/ou psychologique.
Dans cette lutte constante pour une glycémie dans la cible qui implique des calculs, des questionnements, des prises de décisions quotidiennes, et surtout à l’heure des repas.
Il arrive alors de se perdre, d’en oublier le vrai du faux, le bon du mauvais, et sans s'en rendre compte.
De réduire, voire bannir des aliments de notre alimentation, persuadés qu'ils ne sont "pas bons". Ou parfois de craquer pour les manger en bien trop grande quantité. De sous-doser nos injections, persuadés que l'insuline est "mauvaise", qu'elle fait grossir. Et puis finalement, de ne plus manger puisque pas de nourriture signifie ne pas pas avoir besoin d'insuline. De ne pas se resucrer non plus car on avait pas prévu de manger, là, MAINTENANT.
Comment ne pas connaître la culpabilité, la frustration ou la haine au moment des repas ? »
1. Les TCA, qu'est-ce que c'est ?
Les troubles des conduites alimentaires sont caractérisés par “des comportements alimentaires différents de ceux habituellement adoptés par les personnes vivant dans le même environnement. Ces troubles sont importants et durables et ont des répercussions psychologiques et physiques.”¹ Ils touchent près d’1 million de personnes en France.
On distingue plusieurs types de troubles :
- L'anorexie mentale : peur de grossir exacerbée, "lutte active contre la faim" et perte d'appétit, perturbation de l'image corporelle qui se traduit par un amaigrissement de plus de 15% de poids initial,
- La boulimie : peur de grossir poussant à alterner des phases de restrictions alimentaires et de crises de boulimie avec l'ingestion d'une grande quantité de nourriture. S'en suivent des comportements compensatoires (vomissements, sports excessif, prise de laxatifs...),
- L'hyperphagie boulimique : crises de boulimie (ingestion de grandes quantités de nourriture) sans comportement compensatoire, souvent associés à une prise de poids importante.²
Et avec un Diabète de type 1 ?
Ce sujet, pourtant bien présent, émerge doucement mais fait peu l’objet d’études ou de données concrètes, notamment en France. Plusieurs acteurs s’y sont cependant penchés, en partie basé sur des sources américaines comme le livre d’Ann Goebel-Fabbri⁵, ou des retours d’expériences. En France, les associations Diabète et Méchant et Affects & Aliments ont notamment entamé un travail actif de communication et d’action sur le sujet (voir sources ⁶⁷⁸⁹). Voici ce qu’il en ressort principalement :
Les TCA chez les diabétiques peuvent se manifester à travers les signes suivants :
- Réduire voire omettre volontairement la prise d'insuline pour perdre du poids.
- Se priver de manger pour maigrir ou ne pas avoir à s'injecter d'insuline.
- Bannir certains aliments jugés comme mauvais.
- Faire des crises de boulimie, avec ou sans phénomène compensatoire (rejet/élimination de la nourriture).
En effet, plusieurs facteurs de corrélation sont identifiés entre le DT1 et les TCA :
- Le fait de devoir sans cesse surveiller, contrôler, calculer la quantité de glucides consommés peut amener à une classification des aliments : « bon », « pas bon ».
- Le sentiment d'échec et de frustration face à la difficulté à maintenir le taux de sucre dans la cible.
- La sensation de devoir se priver pour atteindre les objectifs qui peut entrainer des compensations de type "rage alimentaire" (crises d'hyperphagie).
2. Quelques chiffres
- Les femmes DT1 sont 2,5 fois plus à risque de développer des TCAs que les femmes non diabétiques.
- 1 enfant sur 5 et 1 femme sur 4 montrent des signes de perturbation dans leur comportement alimentaire en ayant un diabète de type 1.
- 31% des femmes DT1 reconnaissent s'administrer intentionnellement moins d'insuline qu'il ne leur en faudrait pour perdre du poids. Le manque d'insuline emêchant la nourriture d'être métabolisée et in fine la prise de poids. On parle de "diaboulimie".
Sources ³⁴⁵
Certains facteurs associés au DT1 favorisent et maintiennent ces troubles
En moyenne, les diabétiques sont plus touchés par les troubles psychologiques comme la dépression, l’angoisse, la fatigue nerveuse, ou encore une estime de soi basse¹⁰. Ceci favorise les épisodes de dépression modérée à sévère (surtout si l’Hba1c est plus élevée) et donc un possible comportement biaisé vis-à-vis de l’alimentation.
3. Les défis liés à la guérison des TCA avec un DT1
Guérir d’un TCA est un combat difficile de manière générale. Mais lorsque l’alimentation est associée au traitement d’une autre maladie, c’est un double combat. Quelques freins associées :
- La difficulté à identifier ces troubles : ils peuvent être mis sur le compte de la rigidité liée à la gestion de la maladie.
- Un manque d'accompagnement par des équipes pluridisciplinaires : les diabétologues ne sont pas des psychologues (spécialisés dans les TCA), et inversement.
- Des méthodes de guérison non compatibles avec le diabète : le lâcher-prise total vis-à-vis de la nourriture est impossible avec un diabète de type 1, qui demande un contrôle continu.
Plus d'informations dans la partie 2 !
Cette article est une introduction au sujet, et tiré d’un post Instagram que j’ai réalisé il y a plus d’un an.
En effet, de par mon vécu et des rencontres que j’ai pu faire, j’ai réalisé que ce phénomène était bien trop sous-estimé en vue des conséquences qu’il peut avoir sur la santé physique et mentale des diabétiques de type 1.
C’est pourquoi, face au constat du manque de chiffres sur le sujet en France, j’ai initié la réalisation d’une étude via un questionnaire “Diabète de type 1 et Alimentation” diffusé en ligne d’avril 2021 à janvier 2022.
L’impulsion m’a tout d’abord été donnée par Brigitte Ballandras, psychologue spécialisée dans les troubles alimentaires et Présidente de l’association Affects et Aliments et Juliette de Salle, paire-aidante DT1 et secrétaire adjointe de l’association Diabète et Méchant, qui se sont associées dans le but de proposer des ateliers pour venir en aide aux patients DT1 qui souffrent de TCA.
L’aide d’Elsa Pardo Gracia, active communicante sur les sujets qui touchent à la femme diabétique (IG : that_woman_type) et Cloé Neher, autrice du livre 1.12g/L dans lequel elle parle ouvertement de son expérience avec les TCA (IG : 1.12gl) m’a été précieuse tout au long de la démarche et de l’interprétation des résultats. Plus de 500 réponses y ont été apportées, et elle seront synthétisées dans la deuxième partie à venir de cet article. À suivre !
Cet article est un appel à la prise de conscience, au partage. À tous les DT1 qui se reconnaissent à travers ces lignes vous n’êtes pas seuls : demandez de l’aide.
À tous les proches de DT1 : soyez vigilants, ces troubles existent et demandent toute votre attention !
Sources :
Définitions TCA : ameli.fr¹, journeemondialetca.fr²
Rapports DT1/TCA :
- ³JDRF, What you need to know about diabulimia, (14/03/2018), www.jdrf.ca
- ⁴ Diabetes Care, Disturbed Eating Behavior and Omission of Insulin in Adolescents Receiving Intensified Insulin Treatment, (2013), care.diabetesjournal.org
- ⁵Ann Goebel-Fabbri, « Prevention and Recovery from Eating Disorders in Type 1 Diabetes: injecting hope » (2017) , New-York: Routledge
- ⁶Aude Bandini, « Diabulimia »: DT1 et troubles du comportement alimentaires (TCA), (20/05/2018), Diabète et Méchant
- ⁷Juliette de Salle, Diaboulimie, quand diabète et boulimie interragissent, (03/06/2019), Diabète et Méchant
- ⁸Juliette de Salle, Court-métrage « Diabète de type1 et Troubles du comportement alimentaire », (14/11/2021), Diabète et Méchant
- ⁹Association spécialisée dans la lutte des TCA et agissant pour les DT1 : Affects & Aliments
- ¹⁰Fédération Française des Diabétiques, “Dépression et troubles psychologiques”, federationfrancaisedesdiabetiques.org
Retrouvez davantage de contenu en lien avec le diabète et la naturopathie sur mon compte Instagram :