Diabète de type 1, rapport à l'alimentation et TCA
Étude réalisée d'avril 2021 à janvier 2022, sur la France, anonymement et à travers un questionnaire en ligne. Elle collecte les réponses de 514 personnes diabétiques de type 1, dont 87% de femmes. 35% des répondants ont entre 26 et 35 ans, le reste allant de moins de 15 ans à plus de 56 ans. 57% des répondants sont traités par pompe à insuline, 42% par stylo à insuline, 1% par un autre traitement non précisé. 71% des répondants sont des personnes actives, 20% sont des étudiants.Cadre et contexte de l'étude
1. Privation et culpabilité face à la nourriture, conséquences du diabète
Le diabète est une maladie qui implique un contrôle permanent. Sur la glycémie d’une part, mais également sur les facteurs qui impactent la glycémie. L’alimentation est la variable par défaut, aux premières loges des variations dont elle est la cause principale, aux côtés de l’insuline.
78% des répondants estiment que leur rapport à l’alimentation en général est influencé par leur diabète. Il est vrai qu’avec un diabète, les assiettes deviennent des chiffres et l’alimentation instinctive n’est pas possible : contrôle et comptage sont les maîtres mots. Le sentiment de privation vis-à-vis de l’alimentation est mis en avant par 88% des répondants, ayant déjà eu l’impression de se priver de nourriture pour contrôler le diabète.
Et si un écart a lieu, la culpabilité s’ensuit pour beaucoup. Ce sont également 88% des répondants qui affirment avoir déjà ressenti de la culpabilité après avoir mangé certains aliments car ils l’associent à un potentiel déséquilibre glycémique.
Cela peut aussi s’expliquer par le fait qu’avec un diabète, on considère vite certains aliments ou catégories d’aliments comme “interdits” (principalement, les produits sucrés, glucidiques). Ceci a d’ailleurs déjà, entre autres facteurs, poussé plus de la moitié (60%) des personnes à se cacher pour consommer certains aliments.
Pourquoi ? La honte, la peur du jugement ou du regard des autres, la culpabilité sont des mots qui reviennent énormément.
Extrait des réponses à la question “Vous êtes-vous déjà caché pour consommer certains aliments ? Si oui, pourquoi ?
- Les troubles des conduites alimentaires sont caractérisés par "des comportements alimentaires différents de ceux habituellement adoptés par les personnes vivant dans le même environnement. Ces troubles sont importants et durables et ont des répercussions psychologiques et physiques."¹ Ils touchent près d'1 million de personnes en France. On distingue plusieurs types de troubles :
- L'anorexie mentale : peur de grossir exacerbée, "lutte active contre la faim" et perte d'appétit, perturbation de l'image corporelle qui se traduit par un amaigrissement de plus de 15% de poids initial,
- La boulimie : peur de grossir poussant à alterner des phases de restrictions alimentaires et de crises de boulimie avec l'ingestion d'une grande quantité de nourriture. S'en suivent des comportements compensatoires (vomissements, sports excessif, prise de laxatifs...),
- L'hyperphagie boulimique : crises de boulimie (ingestion de grandes quantités de nourriture) sans comportement compensatoire, souvent associés à une prise de poids importante.²
Diabète et peur de grossir
Si la privation et la culpabilité sont souvent présentes en cas de consommation d’aliments, elles sont pour beaucoup également due à la peur de grossir.
En effet, la prise de poids est l’élément qui apporte le plus d’appréhension aux répondants concernant le diabète, avant même les hypoglycémies, puis les hyperglycémies.
Parmi les 32% des personnes affirmant qu’il leur arrivait parfois de se sous-injecter volontairement, la raison “peur de grossir” arrive en seconde position (20%), derrière la peur de l’hypoglycémie.
L’administration d’insuline externe est pour beaucoup associée à la prise de poids. C’est une crainte qui revient beaucoup, plusieurs fois citée dans les réponses libres des participants. Ce sont 10% des participants qui déclarent avoir déjà volontairement restreint leur insuline dans le but de contrôler leur poids.
Enfin, plus de la moitié des répondants (63%) estiment que leur rapport à leur corps est influencé par le diabète.
Un comportement alimentaire changé avec le diabète
L’acte de manger n’est plus anodin une fois le diagnostic tombé. La variable d’ajustement de nos glycémies entre en compte, distordant sur son passage la sensation de faim et de satiété. Manger devient parfois une nécessité immédiate pour remédier à une glycémie trop basse. Peu importe l’heure, l’endroit, la raisonnablité.
À l’inverse, une glycémie trop haute peut impliquer de se priver de nourriture. Faim ou non. Si le sucre est l’antidote, c’est aussi le poison. L’insuline nous traite mais peut nous mettre dans le mal. On cherche l’équilibre constamment, la spontanéité n’existe pas ou peu.
Ces éléments poussent certains diabétiques de type 1 à se sur-injecter (66% des répondants) pour voir leur glycémie baisser plus tard, et pouvoir s’autoriser un plaisir sucré.
Le choix du régime alimentaire est également légèrement impacté par l’arrivée du diabète. Si 75% des répondants affirment manger de tout, le régime IG bas ou pauvre en glucides arrive en seconde place.
Les raisons : meilleur contrôle glycémique, moins de pics, meilleurs HbA1c, moins de besoins en insuline.
2. Focus sur les TCA : chiffres et témoignages
Rappel :
- Les troubles des conduites alimentaires sont caractérisés par "des comportements alimentaires différents de ceux habituellement adoptés par les personnes vivant dans le même environnement. Ces troubles sont importants et durables et ont des répercussions psychologiques et physiques."¹ Ils touchent près d'1 million de personnes en France. On distingue plusieurs types de troubles :
- L'anorexie mentale : peur de grossir exacerbée, "lutte active contre la faim" et perte d'appétit, perturbation de l'image corporelle qui se traduit par un amaigrissement de plus de 15% de poids initial,
- La boulimie : peur de grossir poussant à alterner des phases de restrictions alimentaires et de crises de boulimie avec l'ingestion d'une grande quantité de nourriture. S'en suivent des comportements compensatoires (vomissements, sports excessif, prise de laxatifs...),
- L'hyperphagie boulimique : crises de boulimie (ingestion de grandes quantités de nourriture) sans comportement compensatoire, souvent associés à une prise de poids importante.²
Sources : Définitions TCA : ameli.fr¹, journeemondialetca.fr² ³⁴⁵
Avez-vous (ou avez-vous déjà eu), à votre connaissance ou suite à un diagnostic, des problèmes liés au poids ou à des TCA (troubles du comportement alimentaire) ? Si oui, le(s)quel(s) ?
38 % : Non, aucun
Plus de la moitié des répondants (62%) affirment avoir déjà eu des problèmes de poids ou TCA.
Le sur-poids et la variation fréquente de poids sont des facteurs connus par respectivement 26% et 19% des répondants.
Concernant les TCA, on retrouve en première place la sur-consommation d’aliments (25%) voir des crises d’hyperphagie (25%).
La sous-consommation d’aliments touche 17% des diabétiques de type 1, allant jusqu’à l’anorexie (9%) et la diaboulimie (10%).
Pour plus de la moitié (56%), cela est dû au diabète.
Pourquoi ?
Globalement, nous retrouvons les réponses libres suivantes :
- Résultat d’un sentiment de restriction et/ou de contrôle
- Contrecoup et compensation de la frustration ou de la privation dans l’enfance, liées au diabète
- Défi des “aliments interdits” ou des régimes strictes donnés à l’hôpital
67% affirment être en souffrance dans leur relation avec la nourriture et le diabète. Plus de la moitié déclare également que cela impacte leur vie sociale.
3. Quelles solutions pour en sortir ?
Parlons-en !
La communication sur le sujet est primordiale et permettra de faire prendre conscience du phénomène à grande échelle. Les personnes qui en souffrent ne doivent pas rester dans l’ombre ! Si vous vous reconnaissez dans ces lignes, n’hésitez pas à en parler autour de vous, à demander de l’aide, car c’est le premier pas pour en sortir. Alerter sur le phénomène permettra a corps médical, nous l’espérons, d’accorder une attention particulière aux patients DT1 qui souffrent de TCA et qui ont besoin d’un accompagnement spécifique.
Cloé Neher s’est exprimée sur le sujet dans son livre “1.12g/L, ma vie avec le diabète” paru en 2020. S’en sont suivi plusieurs posts sur les réseaux sociaux, notamment sur son compte Instagram (@1.12gl), celui d’Elsa (@that_woman_type) ainsi que le mien (@diabelifit).
Il faut continuer !
La mise en place d'un soutien pluri-disciplinaire
La prise en charge du diabète et la prise en charge des TCA sont deux spécialités différentes. Malheureusement aujourd’hui, il existe peu d’accompagnements qui allient les deux. Un diabétologue n’est pas un psychologue et inversement. Guérir des TCA requiert un lâcher-prise vis-à-vis de la nourriture qui n’est pas totalement possible avec un diabète, d’où l’importance d’allier les deux spécialités. La mise en place de ce type d’accompagnement reste à structurer, et la sensibilisation du corps médical permettra d’y parvenir.
Des ateliers psychothérapeutiques déjà existants
Comme évoqué dans l’article précédent, l’impulsion de réaliser ce questionnaire m’a été donnée par Brigitte Ballandras, psychologue spécialisée dans les troubles alimentaires et Présidente de l’association Affects et Aliments et Juliette de Salle, paire-aidante DT1 et secrétaire adjointe de l’association Diabète et Méchant. En 2020, elle se sont associées dans le but de proposer des ateliers psychothérapeutiques pour venir en aide aux patients DT1 qui souffrent de TCA. Le but, créer un groupe de parole avec des ateliers mensuels où chacun(e) peut s’exprimer sur son vécu avec les TCA et le diabète. Des exercices sont proposés à chaque atelier, afin de travailler sur ces troubles et de s’en sortir. N’hésitez pas à les contacter !
Je vous remercie d’avoir pris le temps de venir à bout de la lecture de cet article. Si le sujet vous parle, n’hésitez pas à le partager autour de vous, ou à me laisser un commentaire ci-dessous, me contacter sur mon site ou mon compte Instagram.